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Obstétrique / Gynécologie

 

L’effet post-fécondation de la contraception d’urgence hormonale

Chris Kahlenborn, Joseph B. Stanford et Walter L. Larimore *

 

OBJECTIF : Évaluer la possibilité d’un effet post-fécondation lié aux moyens de contraception d’urgence hormonale les plus répandus aux États-Unis et étudier l’impact éthique de cette possibilité.

SOURCES DE DONNÉES ET DOCUMENTATION DE RÉFÉRENCE : Recherche dans la base de données MEDLINE (de 1966 à novembre 2001) des articles pertinents en Anglais et revue systématique de la bibliographie des articles afin d’identifier des articles supplémentaires. Les critères de recherche incluaient les termes contraception d’urgence, contraception post-coïtale, effet post-fécondation, méthode de Yuzpe, lévonorgestrel, mécanisme d’action, Plan B.

RÉSUMÉ DES DONNÉES : Les deux types de contraception d’urgence hormonale les plus utilisés aux États-Unis sont la méthode de Yuzpe (fortes doses d’éthinylœstradiol et de lévonorgestrel) et le "Plan B" (forte dose de lévonorgestrel seul). Bien que ces deux méthodes bloquent parfois l’ovulation, elles pourraient aussi agir en diminuant la probabilité de l’implantation par leur effet négatif sur l’endomètre (effet post-fécondation). La preuve disponible d’un effet post-fécondation est modérément forte, que la contraception d’urgence hormonale soit utilisée en phase pré-ovulatoire, ovulatoire ou post-ovulatoire du cycle menstruel.

CONCLUSIONS : Sur la base des preuves théoriques et empiriques actuelles, la méthode de Yuzpe aussi bien que le Plan B agissent vraisemblablement en provoquant parfois un effet post-fécondation, quel que soit le moment du cycle menstruel où ils sont pris. Ces découvertes ont des implications potentielles dans les domaines tels que le consentement informé, les protocoles des services d’urgence et les clauses de conscience.

MOT CLEFS : contraception, lévonorgestrel, effet post-fécondation.

Ann Pharmacother 2002;36:465-70.

 

 


La contraception d’urgence consiste soit dans la prise d’hormones soit dans l’utilisation de dispositifs mécaniques dans les 72 heures suivant un rapport sexuel et ceci dans le but de prévenir une grossesse. Vers la fin des années soixante et au début des années soixante-dix, les femmes utilisaient de fortes doses d’œstrogènes tels que le diéthylstilbœstrol comme contraception d’urgence.1 Ce traitement a été remplacé en 1974 par des contraceptifs oraux combinés (par ex., éthinylœstradiol + lévonorgestrel) à 12 heures d’intervalle (la méthode dite de "Yuzpe") et, dans les années suivantes, par le "Plan B", qui consiste à prendre 2 comprimés de lévonorgestrel.2 Le stérilet  aussi bien que le danazol (danocrine) et le mifepristone ont été étudiés et promus comme contraception d’urgence, mais la méthode de Yuzpe reste la forme la plus répandue de contraception d’urgence aux USA et en Europe.3

La question de savoir si la contraception d’urgence agit parfois après la fécondation pour prévenir l’implantation, ce qu’on appelle l’effet "post-fécondation" (i.e. un avortement précoce) est importante et pourrait avoir des implications vastes étant donné qu’il existe des attitudes très divergentes face à son utilisation et face aux questions telles que le consentement informé, les protocoles appliqués en cas de viol dans les services d’urgence et les clauses de conscience. L’effet post-fécondation fait référence à tout effet qui réduit les chances de survie des zygotes / embryons après la fécondation, habituel­le­ment avant un diagnostic clinique de la grossesse. Nous utili­sons le terme "avortement précoce" comme synonyme de "l’effet post-fécondation". Nous sommes conscients du fait que certains médecins,4 généticiens, et spécialistes de l’éthique ont arbitrairement défini la vie humaine comme commençant après l’implantation, occultant ainsi la possibilité d’un avortement précoce. Cependant, nous adoptons la définition traditionnelle de la grossesse : "le processus de gestation, comprenant la crois­sance et le développement intra-utérins d’un nouvel individu, à partir de la conception, en passant par les stades embryonnaire et fœtal, jusqu’à la naissance," la conception étant définie comme "le début de la grossesse, habituellement considéré comme étant l’instant où le spermatozoïde pénètre dans l’ovule, formant ainsi un zygote viable."5

Dans une revue précédente6 sur le mécanisme d’action de la contraception orale, nous étions arrivés à la conclusion qu’elle agit parfois par un effet "post-fécondation", c’est à dire après la fécondation et avant le diagnostic clinique de la grossesse. Cependant, la méthode de Yuzpe et le Plan B font appel à des doses différentes et à des moments de prise différents, ce qui pourrait avoir des conséquences différentes sur l’appareil reproductif. Cet article fait le point sur les données relatives à l’utilisation de la méthode de Yuzpe et du Plan B, quant à leurs mécanismes d’action et aux implications éthiques potentielles de ces mécanismes.

Mécanismes d’action

Le Physicians’ Desk Reference7 [NDT : livre-guide de référence utilisé par les médecins généralistes aux USA] affirme que : "les pilules de contraception d’urgence ... agissent princi­palement en bloquant l’ovulation. Elles peuvent agir en altérant le transport tubal du sperme et/ou de l’ovule et/ou en altérant l’endomètre (inhibant ainsi l’implantation)." The Medical Letter2,8 affirme, à propos de la contraception d’urgence hormonale : "Des études ont démontré une modification de l’endomètre, suggérant ainsi qu’elle pourrait interférer avec l’implantation d’un oeuf fécondé, mais d’autres études n’ont trouvé aucun effet de ce type." Les questions éthiques critiques sont donc : L’utilisation de la méthode de Yuzpe ou du Plan B, a-t-elle un effet post-fécondation ? C’est à dire, l’utilisation de la contraception d’urgence hormonale provoque-t-elle parfois un avortement précoce en altérant les propriétés de l’endomètre ? Un tel effet peut-il se produire lorsque la contraception d’urgence est utilisée dans la phase pré-ovulatoire du cycle menstruel, ou bien l’effet "post-fécondation" se produit-il seulement lors­qu’elle est utilisée dans la phase ovulatoire ou post-ovulatoire ?

EFFETS SUR L’OVULATION

Tableau 1. Les principales études sur les taux d’efficacité de la méthode de Yuzpe de contraception d’urgence

 

Grossesses a (n)

 

Référence

Pts. (n)

Observées

Estimées

Taux d’efficacité b (%)

Hertzen et Van Look (1998)12

997

31

72

56,9 - 67,4

Webb et coll. (1992)13

191

5

11,29

55,7 - 65,9

Zuliani et coll. (1990)14

407

9

28,74

68,7 - 75,1

Yuzpe et coll. (1982)15

692

11

30,9

64,4 - 86,8

Ho et Kwan (1993)16

341

9

21,958

59,0 - 63,7

Glasier et coll. (1992)17

398

4

23

82,6 - 83,1

Van Santen et Haspels (1985)18

235

1

11

90,9 - 80,7

Percival-Smith et Abercrombie (1987)19

612

12

40,174

70,1 - 75,4

aNombre de grossesses effectives et de grossesses prévisibles qui auraient dû se produire si la méthode de Yuzpe n’avait eu aucun effet, pour chaque étude dans laquelle la méthode de Yuzpe était utilisée.

bTaux d’efficacité calculé sur la base des grossesses observées et prévisibles données dans ce tableau (premier chiffre), et taux d’efficacité sur la base des estimations de Trussell20 (le deuxième pourcentage indiqué).

On affirme souvent que l’utilisation d’une contraception d’ur­gen­ce hormonale bloque systématiquement l’ovulation. Dans une des premières études sur les contraceptifs oraux, Carr et coll.9 ont découvert que les taux d’œstradiol, de progestérone, d’hormone de lutéinisation (LH), et les concentrations d’hor­mones stimulant les follicules ont diminué de façon significa­tive chez une femme qui avait commencé à prendre une contra­ception orale. Parce qu’un "pic" de LH est supposé être néces­saire pour l’ovulation, ce résultat a été cité maintes fois comme preuve que l’utilisation de la contraception hormonale inhibe complètement l’ovulation. Cependant, les découvertes expri­mées dans l’article de Carr et coll. ne peuvent pas être extra­polées à la méthode de Yuzpe ou au Plan B actuels pour plusieurs raisons. D’abord, bien qu’écrit en 1979, alors que les doses d’œstrogène dans les contraceptifs oraux étaient plus fortes que les doses actuellement utilisées, le fait d’utiliser des hormones à forte dose au milieu du cycle menstruel est très dif­férent du fait de les utiliser pendant 21 jours sur un cycle de 28. Deuxièmement, les résultats étaient basés sur un échantillon de seulement 4 femmes ovulantes. Par conséquent, les données de cette étude ne peuvent pas servir pour établir que les contra­cep­tifs oraux ou d’urgence actuels inhibent systématiquement l’ovulation.

Des données supplémentaires provenant de tests hormonaux confirment que l’utilisation de la contraception d’urgence ne bloque pas systématiquement l’ovulation. Une étude10 de la méthode de Yuzpe qui examinait les marqueurs hormonaux du sérum de l’ovulation, a permis d’observer qu’un pic dans la concentration de LH se produisait dans les 4 jours suivant le traitement chez 5 femmes sur 9, avec une augmentation consécutive de proges­térone, suggérant que l’ovulation avait eu lieu. Un essai plus récent11 utilisant des marqueurs hormonaux de l’urine montrait un pic de concentration en LH dans les 24 heures suivant le traitement avec la méthode de Yuzpe chez 2 femmes sur 8, suivi d’une augmentation de progestérone qui confirmait ainsi que l’ovulation avait eu lieu.

EFFETS DE LA CONTRACEPTION D’URGENCE HORMONALE DANS LA PHASE PRÉ-OVULATOIRE

Le tableau 112-20 reprend les études principales qui ont analy­sé l’utilisation de la contraception d’urgence. Les taux estimés d’efficacité varient de 56,9% à 90,9%, l’étude la plus impor­tante12 montrant un taux d’efficacité de 56,9%. Le taux d’effica­cité est le pourcentage de réduction du taux de grossesses chez les femmes qui ont pris une contraception d’urgence hormonale par rapport au taux estimé chez les femmes qui n’en ont pas pris. Ces taux sont calculés à partir de sources de données annexes et n’ont pas été établis par une étude prospective randomisée et contrôlée (annexe 13,20-28). Cette étude,12 menée par l’Organisation Mondiale de la Santé, montrait que, dans un groupe d’environ 400 femmes, 6 femmes qui avaient utilisé la méthode de Yuzpe dans la phase pré-ovula­toire devenaient enceintes (on prévoyait que 10 seraient enceintes en absence de contraception d’urgence). De plus, 2 femmes qui ont utilisé le Plan B dans la phase pré-ovulatoire, devenaient enceintes (contre 11 prévisibles). La période pré-ovu­la­toire est le moment du cycle menstruel qui a lieu plus de 3 jours avant le jour présumé de l’ovulation. Dans cette étude, on avait estimé que le jour présumé de l’ovulation était le 14ème jour avant le début du cycle menstruel suivant. Bien que ce soit une défini­tion imprécise pouvant amener à une mauvaise classi­fi­cation, c’est la meilleure définition disponible pour ces études. De plus, Glasier17 a présenté 2 cas de femmes qui sont deve­nues enceintes après l’utilisation de la méthode de Yuzpe alors que leurs taux de progestérone étaient inférieurs à 1,5 ng/ml.

Ainsi 2 études12,17 au moins ont démontré que l’utilisation de la contraception d’urgence hormonale, même dans la phase pré-ovulatoire, n’empêche pas systématiquement la grossesse et, de fait, permet l’ovulation dans de tels cas. Certains ont émis l’hypothèse29 que, lorsque l’ovulation n’est pas bloquée, d’autres mécanismes tels qu’un changement de la viscosité de la glaire cervicale et/ou une modification du transport tubal du sperme, de l’ovule ou de l’embryon entreraient en jeu. Cependant, il n’y a pas d’études cliniques traitant de ces mécanismes théoriques. Par contre, il y a des données cliniques ayant une corrélation directement pertinente quant aux effets potentiels de la contraception d’urgence hormonale sur l’implantation.

EFFETS SUR L’IMPLANTATION

Les contraceptifs oraux sont reconnus comme ayant un effet négatif sur le processus d’implantation6, ce qui a des implica­tions pour la méthode de Yuzpe et le Plan B, car ils sont com­po­sés d’hormones identiques (ou similaires) à celles contenues dans les contraceptifs oraux actuels. Les contraceptifs oraux affectent les intégrines, groupe de molécules d’adhérence qu’on considère comme impliquées dans un rôle important dans le domaine de la fécondation et de l’implantation. Somkuti et coll.30 ont constaté que : "Ces modifications dans l’expression épithéliale et stromale des intégrines suggèrent que la détérioration de la réceptivité utérine est un mécanisme par lequel les contraceptifs oraux exercent leur action contra­ceptive." De plus, les prostaglandines jouent un rôle primordial dans l’implantation, mais l’utilisation de contra­ceptifs oraux diminue les concentrations de prostaglandines utérines31,32. Enfin il est bien connu que l’utilisation de contraceptifs oraux diminue l’épaisseur de l’endomètre, comme on a pu le vérifier par IRM33,34 et qu’un endomètre plus fin rend l’implantation plus difficile35-39. Du fait que la contraception d’urgence hormo­nale consiste en hormones contenues dans les contraceptifs oraux, il est possible que l’utilisation de la contraception d’urgence hormonale ait certains effets sur l’endomètre identi­ques à ceux provoqués par l’usage de la contraception orale. De nombreuses études étayent cette hypothèse, car elles constatent des modifications de l’histologie de l’endomètre,1,40 ou des modifications des taux de récepteurs hormonaux utérins41 qui persistent plusieurs jours après que les femmes ont utilisé la méthode de Yuzpe. Toutes ces découvertes impliquent que l’utilisation de la méthode de Yuzpe altère défavorablement l’endomètre.

En plus de la preuve théorique selon laquelle l’utilisation de la contracep­tion d’urgence affecte défavorablement l’implan­tation, Herzen et Van Look12 ont trouvé que la méthode de Yuzpe et le Plan B réduisent tous deux le nombre présumé de grossesses lorsqu’ils sont utilisés dans la phase ovulatoire (du 17ème au 13ème jour précédant le cycle menstruel suivant), dans la phase post-ovulatoire (£ 13 jours avant le cycle menstruel prévisible), aussi bien que dans la phase pré-ovulatoire (comme décrit précédemment). Dans les groupes qui ont utilisé la méthode de Yuzpe dans la phase ovu­latoire, 17 grossesses ont eu lieu (54 étaient probables en absence de contraception d’urgence hormonale), alors que 7 avaient lieu dans la phase post ovulatoire (contre 11 prévisibles). 7 grossesses ont eu lieu (contre 53 prévisibles) dans le groupe qui a utilisé le Plan B dans la phase ovulatoire, tandis que 2 ont eu lieu dans la phase post-ovulatoire (contre 10 prévi­sibles). Ces données sont largement cohérentes avec l’hypothèse selon laquelle les contra­ceptions d’urgence hormonales ont un effet post-fécondation sur l’endomètre. Dans le cas de l’usage de la contraception d’ur­gence hormonale dans la phase ovulatoire, il reste possible que d’autres mécanismes puissent entrer en jeu (i.e., changement de viscosité de la glaire cervicale et/ou altération du transport tubal du sperme, de l’ovule ou de l’embryon). Cependant nous n’avons pas pu trouver d’études soutenant ces théories.

Y-a-t-il une augmentation du risque de grossesse extra-utérine?

Une conséquence de l’effet post-fécondation de la contracep­tion d’urgence hormonale est la possibilité de l’augmentation de la proportion de grossesses diagnostiquées comme extra-utérines. Si les actions des contraceptifs d’urgence hormonaux sur la trompe de Fallope et sur l’endomètre ne comprenaient pas d’effets "post-fécondation", alors la diminution du taux de grossesses intra-utérines chez les femmes prenant des contra­ceptifs d’urgence devrait être proportionnelle à la baisse du taux de grossesses extra-utérines. Si par contre l’effet des contracep­tifs d’urgence hormonaux est d’augmenter le rapport grossesses extra-utérines / grossesses intra-utérines, cela indiquerait qu’un ou plusieurs effets "post-fécondation" sont opérants.6

La proportion actuelle de grossesses cliniques extra-utérines est d’un peu moins de 2%.42 Dans la seule (à notre connaissance) étude relative à la contraception d’urgence hormonale et aux grossesses extra-utérines, Kubba et Guillebaud43 ont constaté que, pour 715 femmes qui ont utilisé la méthode de Yuzpe, 17 grossesses ont eu lieu, y compris une grossesse extra-utérine (i.e. un taux de grossesse extra-utérine de 5,9%), ca qui soutient la possibilité d’un ou plusieurs effets post-fécondation. Néanmoins la confirmation d’un effet post-fécondation par ce moyen nécessiterait un échantillon beaucoup plus grand de grossesses sous contraception d’urgence hormonale, afin de déterminer si la proportion de grossesses extra-utérines est réellement plus élevée qu’en l’absence de contraception d’urgence.

Contribution relative de l’effet post- fécondation

Comme indiqué ci-dessus, 2 petites études 10,11 ont suggéré que, lorsque la contraception d’urgence est donnée avant l’ovulation, l’ovulation peut être inhibée dans 55 à 75% des cas. Selon l’hypothèse fortement optimiste selon laquelle la contra­ception d’urgence hormonale prévient l’ovulation chez 87,5% des femmes traitées, Trussell et Raymond44 ont estimé qu’un mécanisme "autre que celui qui consiste à bloquer l’ovulation intervient dans 13 à 38% de l’efficacité estimée de la méthode de Yuzpe." Cette plage est supérieure à 12,5% car la contraception d’urgence hormonale est souvent utilisée pendant ou après l’ovulation lorsque, bien évidemment, des mécanismes autres que l’inhibition de l’ovulation sont en vigueur. Le mécanisme candidat "autre que l’inhibition de l’ovulation" le plus vraisemblable est un effet post-fécondation (par des effets sur l’endomètre).

Résumé et implications

A ce jour, les preuves soutiennent l’affirmation selon laquelle l’utilisation de la contraception d’urgence n’inhibe pas systématiquement l’ovulation, même lorsqu’elle est utilisée pendant la phase pré-ovulatoire, et qu’elle pourrait altérer défavorablement le tissus de l’endomètre, indépendamment du moment du cycle où elle est utilisée et avec un effet qui persiste plusieurs jours. Les taux réduits de grossesses obser­vées comparés aux taux des grossesses prévisibles chez des femmes qui utilisent la contraception d’urgence hormonale dans la phase pré-ovulatoire, ovulatoire ou post-ovulatoire sont cohérents avec un effet post-fécondation, qui pourrait être provoqué par la contraception d’urgence hormonale pendant n’importe laquelle de ces phases menstruelles.

Cette interprétation de la littérature citée a d’importantes ramifications, étant donné les opinions divergentes sur l’usage de la contraception d’urgence hormonale.45 Par exemple, de nombreuses lois d’états américains contiennent des clauses de conscience selon lesquelles le personnel médical (par ex. les médecins, les pharmaciens, les infirmières, les médecins assistants, les infirmières libérales) ne peut pas être forcé de participer à un avortement chirurgical ou médicamenteux, ni de rediriger quelqu’un vers de telles pratiques. Donc, les preuves d’un effet post-fécondation peuvent avoir des implications légales pour certains professionnels de la santé qui prescrivent, ou qui ont des objections pour prescrire de tels produits.

Les protocoles de certains services d’urgence pourraient aussi être affectés par des preuves démontrant un effet post-fécondation. Par exemple, les services d’urgences des hôpitaux catholiques n’autorisent généralement pas l’utilisation de la contraception d’urgence hormonale dans leurs protocoles en cas de viol ou n’en permettent qu’un usage restreint (i.e. une utilisation pré-ovulatoire de la contraception d’urgence hormonale).45 Les hôpitaux catholiques qui autorisent l’utilisa­tion de la contraception d’urgence hormonale avant l’ovulation pourraient souhaiter revoir leur politique, étant donné la découverte que l’utilisation de la contraception d’urgence ne bloque pas systématiquement l’ovulation et a le potentiel de provoquer un effet post-fécondation, même utilisée avant l’ovulation. La plupart des hôpitaux séculiers ont peu de restric­tions sur l’utilisation de la contraception d’urgence hormonale en tant qu’élément de leurs protocoles en cas de viol. Néan­moins, la preuve d’un effet post-fécondation provoqué par l’usage de la contraception d’urgence hormonale est importante pour les médecins qui doivent prendre la décision morale d’effectuer ou non la prescription d’une drogue susceptible de provoquer un avortement précoce, ou d’envoyer ou non une patiente vers un service qui le ferait.

Il y a des limites potentielles à nos conclusions. Parce qu’aucune expérience contrôlée n’a été effectuée avec des femmes utilisant la contraception d’urgence, nos conclusions sont fondées sur les données existantes portant sur des séries de cas avec des contrôles historiques. De toute façon, ce sont les meilleures données disponibles traitant de l’utilisation de la contraception d’urgence hormonale. En outre, nous avons estimé sur la base de nos discussions avec des médecins et avec le public à travers le pays, que de nombreux médecins et patients s’inquiètent d’un éventuel effet post-fécondation. Bien que certaines preuves existent pour étayer nos présomptions,45,46 de plus amples recherches sont nécessaires. Néanmoins, le princi­pe du consentement informé voudrait que l’on informe les femmes susceptibles d’utiliser la contraception d’urgence hor­monale de cet effet possible, afin qu’elles puissent choisir de l’utiliser ou non sur la base des meilleures données disponibles.

Quelles que soient les croyances personnelles du médecin ou du fournisseur au sujet des mécanismes de la contra­ception d’urgence hormonale, il est important que les patients aient accès aux informations pertinentes pour leurs propres croyances et valeurs. Certains nous ont suggéré que l’attribution à la contraception d’urgence hormonale de pertes de grossesses par effet post-fécondation ne devraient pas faire partie du consentement informé avant d’être soit prouvée d’une manière précise, soit prouvée comme étant fréquente. Pourtant des faits rare mais importants sont une part essentielle d’autres entretiens de consentement informé, principalement lorsque cette possibi­lité rare peut être considérée par le patient comme étant importante. Par exemple, les cas de mortalité liée à l’anesthésie sont rares en chirurgie élective ; cependant, on considère comme approprié et nécessaire sur le plan légal de discuter de cette probabilité faible avec le patient avant de telles interventions chirurgicales, car la possibilité de mort est une affaire importante. Ainsi, pour des femmes pour lesquelles le fait d’induire la mort du zygote / de l’embryon est importante, ne pas discuter de ce risque de perte, même si la probabilité en est jugée faible, serait un manquement au consentement informé. D’autant plus que, sur la base des données reprises dans cet article, il semble que l’effet post-fécondation est probablement plus fréquent que ne le reconnaissent la plupart des médecins et des patients. C’est particulièrement vrai car, dans les études faites à ce jour, les femmes ont plus demandé un traitement après des rapports sexuels autour de la période d’ovulation que plus tôt dans le cycle.44

Certains nous ont suggéré que trop d’insistance sur la possibilité d’effets post-fécondation pourraient amener des femmes à choisir de ne pas utiliser la contraception d’urgence et, par là, accroîtrait le nombre de grossesses non planifiées. Ces deux points de vue sont fautifs en ce qu’ils ne reconnaissent pas le droit de la femme à prendre une décision fondée sur le consentement informé. Pendant les entretiens de consentement informé, trop d’insistance sur un risque particulier éventuel peut ne pas aboutir à un consentement informé approprié ; mais ne pas mentionner un risque possible serait un manquement au consen­tement informé approprié. Ainsi la discussion sur un risque éventuel d’effet post-fécondation devrait avoir lieu et devrait prendre en compte les éléments de preuve médicale disponibles.

Un véritable consentement informé exige la compréhension du patient et du médecin, la divulgation de cette information, et le partage des interprétations. Si un mécanisme post-féconda­tion de la contraception d’urgence hormonaux viole les valeurs morales d’une femme, le manquement du médecin ou du four­nisseur de soins à donner cette information éliminerait la probabilité que le consente­ment de la femme soit vraiment éclairé.

Pour terminer, nous pensons qu’il y a un potentiel d’impact psy­chologique négatif sur les femmes qui respectent la vie humaine depuis la conception et qui n’ont pas pu donner un con­sente­ment informé quant à leur usage d’une contraception d’urgence hormonale, et qui, par la suite, apprennent qu’il existe des effets post-fécondation possibles. Leurs réactions pourraient être des sentiments de déception, de culpabilité, de tristesse, de colère, de rage, de dépression, ou le sentiment d’avoir été violées par le soignant. La présomption selon laquelle aucune patiente ne se soucierait d’un effet post-fécondation n’est pas prouvée par la littérature.45,47-49

Chris Kahlenborn MD, Département de Médecine Interne, Hôpital Altoona, Altoona, PA; Département de Médecine Interne, Hôpital du Bon Secours, Altoona, e-mail : kahlen@alt3.com

Joseph B Stanford MD MSPH, Professeur Assistant, Département de Médecine Familiale et Préventive, Université de l’Utah, Salt Lake City, UT

Walter L Larimore MD, Professeur Clinique Associé, Médecine Communautaire et Familiale, Université de Floride du Sud, Tampa, FL

Des exemplaire imprimés [en Anglais] sont disponibles auprès de : The Annals of Pharmacotherapy

 

 

Nous remercions Dorothy Dugandzic et Walt Severs pour leur assistance technique et éditoriale.


Références

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Annexe 1. Critique de l’efficacité de la contraception d’urgence

La mesure de l’efficacité est importante pour l’analyse de la probabilité d’un effet post-fécondation. Par exemple, si l’utilisation de la contracep­tion d’urgence avait un taux d’efficacité de 0%, la question d’une action post-fécondation serait sans objet L’usage de la contraception d’urgence a été autorisé par la Food and Drug Administration en absence d’étude prospective contrôlée et randomisée (sur un échantillon de cas pris au hasard.)3,21 quant à son efficacité. En fait son efficacité a été jugée à partir des études que nous avons examinées dans cet article. Nous avons relevé les taux d’efficacité basés sur les données brutes en les comparant aux estimations calculées par Trussell et coll.20 pour chacune des 8 études présentées dans le Tableau 1. Trussel et coll. ont utilisé ces dernières estimations pour calculer un taux d’efficacité global de 74,1%, alors que les données brutes donnent un taux de 65,7%.

Dans ces études, les taux de grossesses de la cohorte étaient compa­rés avec les taux de grossesses estimés à partir de contrôles histori­ques. Précisément, les taux de référence de grossesses étaient fondés sur la procédure développée dans l’étude de Dixon,22 qui estimait le taux supposé de grossesses chez les femmes d’après un seul rapport sexuel à un jour précis du cycle menstruel. Dixon fondait la probabilité de gros­sesse par jour spécifique selon 2 études principales : Schwartz et coll. (1979)23 et Barrett et Marshall (1969).24 Dans les analyses posté­rieures, Trussell et coll. ont abandonné l’étude de Schwartz qui était basée sur l’insémination artificielle et ont ajouté un autre groupe de contrôle histo­rique à partir d’une cohorte de femmes essayant d’obtenir une grosses­se dans la Caroline du Nord au début des années 1980.25 En faisant cela, Trussell et coll. n’ont en fait pas comparé des cohortes et des contrôles contemporains. Ce problème de conception majeur pourrait rendre incertaines les conclusions des études pour deux raisons :

1. Dans les années 1960, le taux d’infertilité était plus bas que dans les années plus tardives. Par exemple, "l’infertilité a augmenté de 177% par­mi les femmes mariées âgées de 20 à 24 ans entre 1965 et 1982."26 Ainsi, on pourrait s’attendre pour les contrôles de Barrett à un taux d’in­fertilité inférieur à celui de la cohorte étudiée (femmes utilisant la contra­ception d’urgence). De plus Wilcox et coll. ont constaté que "des fem­mes étaient exclues si elles avaient une maladie chronique sérieuse ou si elles ou leurs partenaires avaient un problème précédent de ferti­lité." Aucun de ces cas d’études ne rapportait de dépistage d’infertilité. Il est ainsi probable que les deux études de références avaient un taux plus bas d’infertilité que les cas de l’étude. Dans ce cas les études sur l’usa­ge de la contraception d’urgence utilisant des contrôles historiques com­me éléments de comparaison pourraient surestimer l’efficacité de la contraception d’urgence dans la prévention ou l’arrêt de la grossesse.

2. Le fait de choisir des contrôles parmi des femmes qui ne cherchaient pas à utiliser la contraception d’urgence pour éviter une grossesse pour­rait conduire à des différences qui affecteraient les résultats. Par exem­ple, des contrôles (groupes de référence) sont tirés de l’étude de Barrett et Marshall,24 qui avait examiné 241 couples qui utilisaient une méthode naturelle de contrôle des naissances basée sur la température du corps. Certaines de ces femmes essayaient d’obtenir une conception, tout com­me les femmes étudiées par Wilcox et coll.25 Aucune n’était connue comme étant sous le stress d’un viol ou sous le stress d’une autre situa­tion difficile. Cependant les 8 cohortes citées par Trussell essayaient de prévenir une grossesse ou d’y mettre fin, et avaient probablement plus de stress émotionnel que le groupe de femmes de référence qui dési­raient une grossesse. Si 2 groupes de femmes sont étudiés, l’un dési­rant une grossesse et l’autre n’en voulant pas et étant sous stress, le taux de fertilité peut varier considérablement car il est possible que, sous l’effet d’un stress extrême, la sécrétion d’hormones induisant l’ovu­lation par la glande pituitaire soit inhibée. Par exemple Diamond27 citait une étude prospective dans le Minnesota sur 4000 femmes qui avaient été violées et parmi lesquelles aucune n’en avait été enceinte. Ce qui pourrait être le signe d’un changement hormonal endogène par lequel les corps des femmes inhibait l’ovulation pendant ou peu après le moment du viol.

3. Toutes les études sur la contraception d’urgence sont basées sur un moment précis de l’ovulation par rapport à la longueur du cycle (par ex. au 14ème jour avant le cycle menstruel suivant). Cependant, la longueur de la phase lutéale varie largement, à la fois d’une femme à l’autre et, dans une moindre mesure chez une même femme, même pour des fem­mes qui ont des cycles réguliers.28 Ainsi, affecter des probabilités de con­ception en utilisant le concept de "jour par rapport à l’ovulation" est imprécis.

Nous croyons au vu les raisons évoquées ci-dessus que les estimations de taux d’efficacité de la contraception d’urgence hormonale sont hautement hypothétiques et exigent une analyse plus approfondie.


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EXTRACTO

OBJETIVO: Evaluar la posibilidad de un efecto de post-fertilización con relación a los tipos de contracepción hormonal de emergencia más comúnes utilizados en los EU, y explorar el impacto ético de esta posibilidad.

FUENTES DE INFORMACIÓN: Se realizó una búsqueda en MEDLINE del 1966 a noviembre 2001 con el propósito de identificar todos los artículos pertinentes en el idioma inglés. Una revisión de las secciones de referencia de los artículos de revisión principales se realizó para identificar artículos adicionales.

SÍNTESIS: Los tipos más comúnes de contracepción hormonal de emergencia utilizados en los EU son el régimen Yuzpe (dosis alta de etînil-estradiol con dosis alta de levonorgestrel) y Plan B (dosis alta de levonorgestrel sólo). Aunque ambos métodos en ocasiones detienen la ovulación, también podrían actuar reduciendo la posibilidad de implantación debido a su efecto adverso en el endometrio (un efecto de post-fertilización). La evidencia disponible para un efecto de post-fertilización es moderadamente fuerte, ya sea que se utilize la contracepción hormonal de emergencia en la fase pre-ovulatoria, ovulatoria, o post-ovulatoria del ciclo menstrual.

CONCLUSIONES: En base a la evidencia teórica y empírica presente, ambos el régimen Yuzpe y el Plan B, probablemente actúan en ocasiones causando un efecto de post-fertilización independientemente de cuándo, durante el ciclo menstrual, son utilizados. Estos hallazgos tienen implicaciones potenciales en tales áreas como el consentimiento educado, los protocolos de salas de emergencia y las cláusulas de consciencia.

Brenda R Morand

SUMMARY

OBJECTIVE: To assess the possibility of a postfertilization effect in regard to the most common types of hormonal emergency contraception (EC) used in the US and to explore the ethical impact of this possibility.

DATA SOURCES AND STUDY SELECTION: A MEDLINE search (1966--November 2001) was done to identify all pertinent English-language journal articles. A review of reference sections of the major review articles was performed to identify additional articles. Search terms included emergency contraception, postcoital contraception, postfertilization effect, Yuzpe regimen, levonorgestrel, mechanism of action, Plan B.

DATA SYNTHESIS: The 2 most common types of hormonal EC used in the US are the Yuzpe regimen (high-dose ethinyl estradiol with high-dose levonorgestrel) and Plan B (high-dose levonorgestrel alone). Although both methods sometimes stop ovulation, they may also act by reducing the probability of implantation, due to their adverse effect on the endometrium (a postfertilization effect). The available evidence for a postfertilization effect is moderately strong, whether hormonal EC is used in the preovulatory, ovulatory, or postovulatory phase of the menstrual cycle.

CONCLUSIONS: Based on the present theoretical and empirical evidence, both the Yuzpe regimen and Plan B likely act at times by causing a postfertilization effect, regardless of when in the menstrual cycle they are used. These findings have potential implications in such areas as informed consent, emergency department protocols, and conscience clauses.

[version anglaise originale]

 

 


Cet article est la traduction française intégrale de l’article en langue anglaise possédant les références suivantes : Kahlenborn C, Stanford JB, Larimore WL. Postfertilization effect of hormonal emergency contraception. Ann Pharmacother 2002 ;36:465-70



* Des informations sur les auteurs se trouvent à la fin du texte.